Loi Lemœur (loi anti-Airbnb) : Une copropriété peut elle vraiment interdire la location saisonnière ? Rétrospective sur un fort effet d'annonce sans grand impact
La loi Lemœur du 19 novembre 2024 (« loi anti-Airbnb ») donne aux copropriétés la possibilité d'interdire la location meublée de tourisme sous conditions strictes et dans le respect du statut juridique de l'immeuble.
Notions fondamentales : usage et destination d'un lot ou d'un immeuble
Avant tout projet ou interdiction de location meublée de tourisme, il est indispensable de distinguer l'usage et la destination du bien :
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Usage : désigne l'utilisation effective d'un lot (habitation, bureaux, commerce...). Selon l'article L631-7 du Code de la construction et de l'habitation, transformer un logement d'habitation en meublé de tourisme constitue un changement d'usage, réglementé en particulier dans les grandes villes et les zones tendues. Ce changement peut nécessiter une autorisation municipale pour ne pas porter atteinte au marché local de logements.
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Destination : la destination correspond à la raison pour laquelle le bâtiment a été construit (habitation, hôtel, commerce…) ; elle est précisée dans le permis de construire, l'état descriptif de division et surtout le règlement de copropriété – véritable « carte d'identité » de la copropriété. La destination définit le cadre conventionnel des droits de chaque copropriétaire : par exemple, une clause d'habitation « bourgeoise » exclusive interdite toute activité commerciale ou location de tourisme hors régime de résidence principale. Modifier la destination d'un lot nécessite un accord en assemblée générale, souvent à l'unanimité.
En résumé, la destination est le cadre général institutionnalisé, l' usage est l'utilisation effective : l'interdiction du meublé de tourisme doit toujours être justifiée par la destination de l'immeuble, sous peine d'être réputée non-écrite.
En pratique, la très grande majorité des copropriétés relèvent de ces destinations bourgeoises simples ou mixtes. Seules celles dont la destination bourgeoise est réellement exclusive disposent d’un fondement juridique solide pour interdire la location meublée de tourisme.
Interdire la location meublée de tourisme : la double majorité de l'article 26
La loi Lemœur introduit la possibilité d'interdire, dans le règlement de copropriété, la location meublée de tourisme sur les lots à usage d'habitation qui ne sont pas la résidence principale du loueur (hors lots commerciaux ou mixtes). Ce vote convient au mécanisme exigeant de la double majorité de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965, il s'agit de la modalité de vote la plus exigeante avant le vote avec unanimité.
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Il faut réunir au moins deux tiers des tantièmes (voix de la copropriété) ET plus de la moitié des membres du syndicat (en nombre).
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La majorité s'apprécie sur l'ensemble des copropriétaires inscrits, pas seulement les présents à l'assemblée : toute absence ou abstention est comptée comme un NON.
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Ainsi, l'adoption de cette interdiction exige une forte mobilisation ; la règle protège les droits de la collectivité contre une minorité active.
Mise en pratique : exemple de vote
Soit une copropriété de 50 copropriétaires répartis sur 100 000 tantièmes .
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Pour interdire la location meublée de tourisme, il faut obtenir :
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Plus de 25 copropriétaires OUI (donc au moins 26 favorables)
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Au moins 66 667 tantièmes favorables
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Supposons qu'à l'AG, seuls 30 copropriétaires votent, 28 pour l'interdiction :
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Les 20 absents sont comptés comme NON.
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Au total : 28 OUI / 50 membres → la majorité arithmétique est atteinte, mais il faut également que ces 28 détiennent au moins 66 667 tantièmes (deux tiers). Toute abstention ou absence fragilise donc l'adoption de la mesure.
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Conclusion
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’en pratique, le quorum requis reste très difficile à atteindre dans une copropriété, en raison de l’absentéisme particulièrement élevé lors des assemblées générales de copropriétaires.
Ainsi, cette réforme – qui avait suscité une forte réaction publique et donné au ministre du Logement de l’époque une image de “protecteur” du marché locatif face au développement des meublés de tourisme – devrait avoir très peu d’effets concrets sur le terrain, sauf peut-être dans de petites copropriétés très soudées, où la mobilisation est réelle.
De plus, cette réforme s’inscrit dans une vision essentiellement urbaine et parisienne du logement, pensée pour répondre aux tensions rencontrées dans les grandes villes, sur la côte Atlantique, à Paris, à Montpellier, et dans l’ensemble des territoires où les loyers sont élevés et où chaque logement d’habitation compte.
Dans ces environnements, le meublé de tourisme est perçu comme aggravant la pression locative, ce qui a nourri la volonté politique d’encadrer sa pratique.
Or, cette logique ne peut être transposée uniformément. Dans le Midi – et plus particulièrement dans les stations balnéaires – le meublé de tourisme constitue un pilier économique essentiel. L’exploitation saisonnière y est non seulement acceptée, mais souvent soutenue par les autorités locales, car elle participe pleinement à l’attractivité du territoire, à la vitalité économique et au maintien d’un esprit de villégiature.
C’est notamment le cas à La Grande-Motte, où cette vocation touristique est inscrite dans l’identité même de la ville, telle que pensée dans le cadre du Plan Racine, initié sous la présidence du général de Gaulle pour structurer durablement les stations balnéaires du littoral languedocien.
Par ailleurs, comme nous avons pu en discuter en tant qu’acteurs reconnus du tourisme, notamment au travers de La Bonne Conciergerie (La Bonne Conciergerie ), nos échanges réguliers avec des membres de l’administration publique de La Grande-Motte, de l’office de tourisme et de la mairie, confirment clairement que l’exploitation des meublés de tourisme au sein des copropriétés est pleinement soutenue localement.
Cette ville demeure avant tout une station de vacances, dont l’économie, l’identité et la dynamique reposent en grande partie sur l’accueil touristique et les locations saisonnières.
Romain
La Bonne Gestion Locative
La Bonne Conciergerie
